Chronique du quotidien n°8

Coutumes du nouvel an, Réélection d’Uribe, Écologie et recyclage
lundi 2 janvier 2006.
 

Coutumes du nouvel an

En arrivant ici, les seules habitudes que je connaissais pour le réveillon de la Saint Sylvestre, c’était s’embrasser, et surtout faire la fête en se prenant la plus grosse muflée possible. À l’occasion du nouvel an 2006, j’ai eu l’occasion d’apprendre d’autres coutumes. En voici une petite liste.

À minuit :
On brûle l’Año Viejo, pantin fait de vêtements rempli de sciure ou de paille, et représentant tout le mauvais de l’année écoulée. Cette année, on en a brûlé beaucoup qui avait le visage d’Uribe, le président de la République. Mais on pense aussi à la mauvaise fortune, aux promesses non tenues, aux remords, etc... Purification en quelque sorte.
On mange 12 grains de raisins au rythme des 12 coups de cloche, en faisant un vœu pour chaque mois de l’année à venir.
On allume une bougie pour soi, et une bougie pour ceux qu’on aime et qui ne sont pas là afin de s’apporter bonne fortune.
On se jette du riz et des lentilles dans les poches pour appeler la prospérité.
On sort en courant avec une valise pour partir en voyage cette année, on fait le tour du pâté de maison, et on revient.

Il y en sûrement d’autres, mais j’ai pas eu l’occasion d’y assister. Et vous allez sûrement aussi me demander comment on fait pour faire tout ça en même temps. C’est qu’ici le temps dure plus qu’ailleurs, et sinon, chacun fait dans l’ordre qu’il désire, ça marche pareil. Après tout cela, on quitte ses particularismes et l’on fait la fête en se bourrant la gueule, comme partout...

Réélection d’Uribe

Le président de la République de Colombie, Álvaro Uribe Véleze, élu en 2002, est candidat à sa propre réélection en 2006. C’est la première fois dans l’histoire du pays que cela est possible. La cour constitutionnelle, après de grandes délibérations et surtout de nombreuses menaces de la part des proches du président, a fini par changer la loi et par accepter la candidature du président sortant.

Selon les médias, la réélection d’Uribe ne fait pas de doute, tous les sondages le montrent. Mais il faut savoir que les sondages sont réalisés sur un échantillon (peu) représentatif de 600 personnes, contactées dans les grandes viles par téléphone [1]. Ce qui exclut les populations rurales et défavorisées des villes. Il faut noter aussi qu’il n’y a pas de candidat, ni à droite ni à gauche, qui semble pouvoir faire de l’ombre à Uribe. Mais en 2003, lors d’un référendum appelé par le président, les sondages le donnaient gagnant avec une large avance, et ce fut le non qui l’emporta finalement (avec une très forte abstention). Donc rien n’est acquis. D’autant que quand on discute dans la rue, avec les chauffeurs de taxis, presque tout le monde semble le detester, mais sans savoir que faire à la place.

En tout cas, depuis le début de la campagne, Uribe semblent avoir mis de l’eau dans son vin. Le traité de libre commerce (TLC, qui doit permettre la privatisation des quelques rares services publics qui ne le sont pas encore, et les USA d’inonder encore un peu plus de leurs produits le marché colombien), dont la signature était acquise depuis longtemps malgré les mouvements populaires en sa défaveur, a subitement vu la date de sa ratification repoussée au-delà de la date des élections. Par ailleurs, alors que le président, qui voue une haine tenace à la guérilla, et en particulier aux FARC, et avait toujours refusé d’entamer la moindre négociation pour la libération d’otages (Ingrid Betancourt parmi eux), a subitement retourné sa veste, faisant d’apparentes concessions. Concessions critiquées par les FARC d’un côté, disant qu’elles ne veulent pas participer à la campagne d’Uribe de quelques manières que ce soit, et dénoncent les effets d’annonce lorsque leurs conditions de négociations ne sont pas remplies malgré les discours, et de l’autre côté par les négociateurs français et suisses qui avait réalisé le contact entre les 2 parties, tout en demandant la plus grande discrétion à ce sujet.

Uribe semble reculer, mais en réalité il ne change pas cap. Les paramilitaires, ses vieux amis, qui bénéficient de l’impunité et d’une réinsertion, parfois dans les corps officiels de l’armée ou de la police [2], ne laisseront pas filer le pouvoir.

Écologie et recyclage

L’écologie est une notion assez peu répandue en Colombie (comme dans beaucoup de pays pauvres). Sans parler de l’agriculture qui fait appel à beaucoup de produits chimiques, ou le plan Colombie, qui sous prétexte de lutter contre la coca, lance des milliers de tonnes de désherbant sur les zones cultivable du pays et les parcs naturels, les colombiens ne sont pas de grand utilisateurs de poubelles, encore moins de recyclage. Le plus simple pour se débarrasser d’un papier ou d’une canette, c’est encore de la jeter par terre. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de poubelles dans les rues. Car la ville propre, malgré les avis qui l’affirment, ne semble pas la priorité des municipalités que j’ai traversé.

Un exemple concret. Dans un petit village balnéaire de la côte pacifique, servant de lieu de vacances aux habitants de Cali, le sol, les fourrés, la plage, sont couverts de détritus. Les bars passent les balais en rejetant tout dans la rue, et la terre qui forme celle-ci, absorbe tout lorsqu’il pleut (et il pleut beaucoup). Ce qui est étonnant, c’est que les gens vivent principalement du tourisme, donc de la beauté des lieux où ils accueillent les touristes, mais rien n’y fait.
On a essayé de dire à un jeune garçon qui vend des friandises sur la plage de ne pas jeter le papier qui avait renfermé son déjeuner sur le sable. Il nous a regardé avec des yeux ronds, avant de le laisser tomber par terre. On le lui a redonné, il l’a mis dans sa poche. Victoire nous sommes nous dit. Mais 20 mètres plus loin, il jouait au foot avec, et 10 mètres encore, il l’oubliait, le laissant roulé par les vagues.

Dans ce même village, il y a eu un projet de collecte et de recyclage des ordures, avec un financement du département. Le projet démarre, on commence à construire les bâtiments, mais les natifs du village reprochent à ceux qui ont monté le projet, des gens installés depuis seulement quelques années, de vouloir s’en mettre plein les poches. Ceux-ci laissent donc le projet aux natifs. Et l’argent disparaît avant la fin des constructions, et peu à peu, tout est récupéré. Les pierres, les bacs, les barres métalliques. Tout, sauf les ordures, qui elles continuent de pourrir au soleil.

[1] voir texte de Gary Leech http://risal.collectifs.net/article.php3 ?id_article=1532

[2] voir l’article de Carlos Gutiérrez http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/GUTIERREZ_M_/12835 ?


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