Chronique du quotidien n°6

Hymnes, Le gouverneur en grève de la faim
mardi 6 décembre 2005.
 

Hymnes

En Colombie, on aime bien les hymnes. À chaque rencontre, événement, présentation qui a reçu un appui d’une instance publique, hop ! Tout le monde debout pour chanter l’hymne national, l’hymne du département, l’hymne de la ville, ou les trois à la suite. Et tous les connaissent. Il faut être très très politisé pour refuser de se lever et de chanter en choeur. Moi en général j’ai la flemme de me mettre debout, je ne connais pas les paroles, et surtout, je ne me lèverai pour rien au monde pour la Marseillaise, alors malgré tous les efforts que je peut faire pour m’adapter aux coutumes d’ici, je ne ferai pas celui-là. M’ont récemment demandé, pendant que retentissait un hymne et que je me terrais dans mon fauteuil, mes voisines qui elles aussi se refusait de s’époumoner, si c’était par désobéissance, par acte de conscience ou seulement si c’était parce que ce n’était pas mon hymne que je ne me levais pas. Ce n’est pas aussi grave que ça pour moi, c’est juste que ça n’a aucun sens, et que je n’ai jamais aimé participer au mouvement de masse.

Ca paraît toujours un peu étrange et ridicule de voir des habitudes aussi fortes avec un regard d’étranger un peu comme si c’était d’un autre temps pour nous, mais vous savez que depuis février 2005, l’article 26 de la loi Fillon rend obligatoire l’apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire ?

Le gouverneur en grève de la faim

Depuis ce matin, 6 décembre 2005, et normalement pour une période de 10 jours, le gouverneur du département de la « Valle del Cauca » en Colombie, Angelino Garzón, ainsi qu’une douzaine de collabora-teurs -trices, ont commencé une grève de la faim pour influer sur la décision de justice qui doit être rendu par l’équivalent de la cour de cassation (en fait la cour constitutionnelle) ces prochains jours. Il s’agit d’un conflit qui oppose le département et une entreprise privée, CISA -en liquidation, elle s’appelle aujourd’hui Conciviles- contractée il y a plus de 10 ans pour la construction d’une route entre Cali, Candelaria et Florida. Il semble que les conditions d’attribution aient été obscures, l’entreprise fut créée 5 jours avant d’avoir le marché, et sans passer par l’appel d’offre.
Le travail n’a pas été réalisé, l’entreprise a pourtant récolté 15 milliards de pesos (environ 5,7 millions d’euros) grâce à un péage qui servait à financer les travaux. Et le département a donc dénoncé le contrat qui le liait à l’entreprise de manière unilatérale, et celle-ci s’est retournée contre le département, réclamant chaque fois plus d’argent. Il semble que l’affaire soit passée par tous les niveaux de justice, et que les décisions rendues furent chaque fois contradictoires, donnant raison à l’un ou à l’autre. On me dit ici que la justice colombienne fait plus appel à l’intérêt personnel ou de classe des juges, qu’à une éthique quelconque. Toujours est il qu’après une grande marche dans tout le département, la dernière décision rendue, le 11 mai 2005, avait donné raison au département, et aujourd’hui, la procédure d’annulation de cette décision lancée par CISA, est la dernière possibilité. L’entreprise réclame aujourd’hui 40 milliards de pesos, soit environ 15,3 millions d’euros.
Le gouverneur, dans une lettre ouverte adressé aux magistrats de la cours constitutionnelle, fait valoir que cet argent, si il était attribué à l’entreprise, manquerait fortement au département pour ses activités scolaires, sociales, de santé et même pour le salaire des travailleurs (le syndicats des travailleurs de la « gouvernation » est solidaire du gouverneur), et ajoute qu’une telle décision ne pourrait être comprise par les habitants du département, et serai défavorable à la confiance que ceux ci peuvent tenir dans les institutions. Des mauvaises langues remarquent que le gouverneur (unique de gauche actuellement en Colombie) se sert de cette affaire pour faire campagne ; d’autres qu’il profite de cette affaire pour maigrir un peu, ça lui ne ferai pas de mal... L’entreprise CISA elle, menace d’attaquer le gouverneur pour calomnie, affirmant que le travail a bien été réalisé.

(le site de la gouvernation del Valle del Cauca)

Rajout du 16 décembre 2005 Finalement le gouverneur et son équipe ont arrêté la grève de la faim le vendredi 9 décembre soit 3 jours après avoir commencé. Il parait qu’ils ne sont pas sentis assez soutenu, et n’ont donc pas vu l’intérêt d’avoir les entrailles qui grondent sans personne pour les écouter. En plus la cour de justice à fait savoir qu’elle ne rendrait pas son jugement immédiatement, donc là non plus, ça sert à rien de faire un mouvement de pression plusieurs mois avant. Et en discutant avec des militants locaux, tous m’ont dit la même chose : Décembre c’est pas le bon moment pour espérer un mouvement populaire. Tout se termine, et en fêtes comme il se doit, alors on est occupé à tous boucler, ses examens et ses rapports, et le soir on va danser pour dire au revoir aux amis jusqu’à l’année prochaine. En plus il faut acheter les cadeaux pour tout le monde, on connaît tous ça. Enfin quoi, qu’est ce qu’on en a à faire de la grève de la faim du gouverneur et des 40 milliards de pesos, quand on a le ventre plein, les poches vides, et besoin de trouver des cadeaux pour tous ?


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