Chronique du quotidien n°5

L’homme et la machine, Commerce informel
lundi 28 novembre 2005.
 
Travailler en Colombie...

L’homme et la machine

Il y a peu, un ami, lisant ma chronique sur les cartes d’identités et empreintes digitales, me demandait si les caméras de surveillance fleurissaient, comme en France, à tous les coin de rues. Hé bien non, ici la machine n’a pas encore remplacé l’homme.

Concernant la surveillance, il y a des gardes privés partout (ce doit être l’entreprise de service qui fonctionne le mieux). Dans les banques évidemment, dans les grands et petits magasins, supermarchés, à l’entrée de tout bâtiment public et d’immeubles, dans la rue, etc. L’armement va du simple bâton et parfois de la machette pour les « vigilantes » de la rue, au fusil à pompe grand modèle, en passant par le flingue de base, et sa cartouchière. Parfois on les voit cow-boy, main sur la crosse, et regardant derrière ses lunettes noires, parfois on sens juste l’homme fatigué d’être debout toute la journée à ne rien faire. Les « vigilantes » de rue sont les plus mal lotis. Surveillant la rue à toute heure, ils ont un cabanon qui doit faire un demi-mètre carré qui leur sert d’abri, et doivent souffler dans leur sifflet de temps en temps pour prouver qu’ils ne sont pas en train de dormir. Ils sont rémunérés trois fois rien par les habitants de la rue.

Il n’y a pas d’interphone ici. Dans les immeubles (il y a des immeubles ou des résidences que dans les quartiers un peu "cotés"), en plus ou à la place du garde armé qui ouvre et ferme la cadenas toute la journée (pas de digicode non plus), il y a un homme qui appelle systématiquement l’appartement où l’on veut se rendre pour vérifier que l’on est bien attendu. Et qui connaît ainsi toutes de nos allers et venu. Dans les villes fraîches, comme Bogota, ça fait parfois pitié de les voir se préparer à passer la nuit, emmitouflés dans 2 couvertures élimées, luttant contre le sommeil toute la nuit face à une mini-télé en noir et blanc...

Je pense aussi au type ou à la jeune fille qui remplit les sacs au super marché. Pas de tapis roulant et de système qui ouvre les sacs tout seul. Il y a quelqu’un qui se chargent de répartir tous les achats et de faire des nœuds à chaque sac, sans doute pour éviter qu’on y glisse quelque chose en sortant du magasin (mais il faut se méfier, car parfois ce sont eux qui « oublient » de mettre un des achats dans les sacs).

Il y aussi le gars accroché à l’extérieur du mini bus, et qui crie les destinations, mais ne reçoit pas l’argent, ça c’est le « chef », le conducteur, le seul habilité à recevoir la monnaie et à la rendre en roulant à fond dans un virage. Ça dépend des compagnies, tout le monde ne pratique pas le binôme... (Par contre on commence à voir des bus équipés d’un capteur pour compter les passagers et être sûr que le chauffeur ne se met rien dans la poche)

On continue la série avec les liftiers. Vous savez, ces hommes qui pilotaient les ascenseurs. Et bien ici il y en a encore quelques-uns, dans des grands immeubles publics, qui passent leur journée assis (quand ils ont de la chance) a appuyer sur les boutons que les « passagers » demandent, sous la lumière du néon (très) blafard. Monter et descendre sans jamais faire un pas en avant ou en arrière, sans voir le soleil... Pire que le poinçonneur des lilas

Il y a sûrement d’autres de ces petits boulots, qui parfois paraissent assez inutiles et facilement remplaçables par le « progrès », et qui j’imagine tendent à disparaître. Malgré le peu d’intérêt et l’abrutissement de ces travaux, ça permet de vivre (même si les salaires doivent être ridicules, pour info, le salaire minimum à plein temps est de 380 000 pesos soit 145 €, alors qu’en général la vie doit coûter 2 à 4 fois moins cher qu’en France). Mais malgré tous ces boulots, le chômage et le sous-emploi sont très présents, et plusieurs cumulent les métiers pour s’en sortir.

Commerce informel

Il y a aussi évidemment tout le commerce informel. Je ne parle pas du trafic de drogue, mais de tous les vendeu-rs-ses de rue. Fruits de toutes les couleurs, coupés, entiers, et parfois en salade, glaces maison, brochettes et arepas pour la nourriture, vêtements de toutes sortes et toutes tailles, mais aussi lunettes, décorations de noël, journaux, outils, articles scolaires, loteries, et bien sûr musique et films piratés. On trouve des compiles inventées par les "pirates" eux-mêmes, des futurs succès hollywoodiens pas encore sorties en salles, des films pornos mélangés avec des dessins animés éducatifs pour enfants, musique d’ici et d’ailleurs. Ceux qui vendent tous ces disques semblent êtres plus victimes de la répression que les autres vendeurs. Régulièrement la police fait une descente dans une rue, embarque une ou deux personnes qui n’ont pas eu le temps de s’échapper, ramasse les tables de fortune abandonnées, et passe le coin de la rue pendant que les vendeurs s’installent de nouveaux. [1]

Au-delà de ce commerce organisé, j’ai l’impression que les gens ici ont une plus grande proportion à vendre ce qu’ils cuisinent, fabriquent, cousent, etc... Régulièrement, lors de retrouvailles entre amis, ou de réunion de travail, qui vend ses bijoux, qui son gâteau, qui ses t-shirts, etc... Quand on a des problèmes d’argent, on attend ni une aide de l’Etat (ça n’existe pas) ni de crever de faim, on s’organise et l’on vend ce qu’on sait faire. Il me semble qu’en France on a pas du tout cette idée. Qui vend dans la rue en France, du mais, des cacahuètes, etc.. ? Des immigrés, pas nécessairement plus pauvres, mais pour qui c’est naturel, et pas forcément mal vu de faire du commerce...

[1] Note du 5/01/06. Il n’y a pas que les vendeurs de CD, aujourd’hui une vieille vendeuse de fruit m’a raconté que ce matin les flics étaient venu la chasser et ils lui ont pris les 20 mangues qu’elle avait à vendre. Autant je ne m’inquiète pas pour les jeunes vendeurs de disques pirates qui courent vite, là j’étais vraiment dégoûté de la situation, s’attaquer au plus pauvre et aux plus faibles, c’est vraiment débectant.


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