A propos du soi-disant antisémitisme de Chavez.

Un texte qui rétablit un peu les faits, suite aux attaques de divers journaux français.
mercredi 11 janvier 2006.
 
Depuis quelques jours, divers articles de la presse française (et israélienne) accusent le président vénézuelien d’antisémitisme suite à l’un de ses discours.
Le texte suivant, tiré du site du cercle bolivarien de Paris, replace dans son contexte et démontre l’ignorance et le mensonge des journalistes ayant traité ce sujet. Tout cela montre avant tout que :
1) Il est très facile de proférer des mensonges et de les rendre crédibles lorsqu’on est journaliste, peu importent la déontologie et l’honnêteté pour faire passer sans le dire ses opinions.
2) Les journalistes se faisant confiance, ils répètent tous la même chose sans se donner la peine de vérifier quoi que ce soit, à partir du moment où l’information a été publiée quelque part.
3) L’antisémitisme est un problème bien présent en chacun de nous, puisqu’en quelques paroles bien choisies, sans jamais dire le mot « juif » tout le monde le comprend. De plus cette accusation d’antisémitisme est aujourd’hui une des meilleures armes quand on ne sait plus de quoi accuser quelqu’un qui dérange. Il ne faut donc pas se tromper, crier au loup continuellement est la meilleure manière de banaliser le phénomène.

Chavez, antisémitisme et campagne de désinformation : à propos d’un article calomnieux de Libération (Mercredi 11 Janvier 2006) en ligne sur le site du cercle bolivarien de Paris.

A la lecture de l article de Jean Hebert Armengaud, «  le credo antisémite de Hugo Chavez » (Libération du 09/01/2006), je fus pris de sérieux doutes personnels. Vivrais-je dans un pays où le président démocratiquement élu stigmatiserait une part de sa population en raison de sa religion ? Le chavisme serait-il un mouvement politique antisémite ? Serais-je devenu aveugle au point de ne pas voir les pogroms bolivariens ? Serais-je devenu sourd au point de ne pas entendre les appels à la haine contre les juifs professés depuis l’exécutif ?

Mes doutes personnels ne durèrent pas plus longtemps que la lecture du titre de l’article de Libération. Car placé légèrement en dessous, apparaissait le nom de l’auteur de cette accusation. Jean Hébert Armengaud se fait depuis plusieurs années l’écho des accusations les plus violentes contre le gouvernement bolivarien. Mes doutes ont rapidement changé d’objet pour se porter sur la validité de l’interprétation des sources du journaliste et sa définition de la déontologie.

L’affaire n’est pas mince. Chavez est décrit comme un antisémite notoire, reproduisant les pires stéréotypes sur les adeptes du judaïsme dans la ligne directe des « Protocoles des sages de Sion ».

Le journaliste de Libération nous prévient que le délit eut lieu la veille de Noël, oú « Hugo Chávez visite un centre d’hébergement et de réinsertion de personnes sans domicile fixe à Miranda, dans l’Etat de Zulia. » Le 24 décembre, accompagné du maire de Caracas et de quelques ministres, le Président visitait un Noyau de Développement Endogène, modèle bolivarien d’une économie alternative, situé proche de Acevedo dans l’Etat du Miranda. Le noyau de développement endogène n’est en rien un centre d’hébergement de SDF, et l’Etat du Miranda ne peut évidemment pas être situé dans l’Etat du Zulia. Ces précisions géographiques peuvent paraître inutiles au lecteur français mais elles sont tout de même révélatrices de la connaissance qu’a Mr Armengaud du pays bolivarien ainsi que sa capacité à vérifier ses sources. Elles sont d’autant plus inquiétantes que l‘auteur de l’article de Libération invite ses lecteurs à consulter le site du Ministère de la Communication et de l’Information du Venezuela en preuve du délire antisémite de Mr Chavez. Or c’est précisément ce que nous avons fait. La page de présentation du discours incriminé offre au visiteur les informations géographiques que nous venons de mentionner.

Du coup, ou Mr Armengaud n’a pas été vérifier sa source ou il parle plus qu’approximativement l’espagnol. Dans les deux cas, la rigueur de son investigation laisse à désirer. Si la désinformation commence sur des thèmes secondaires, qu’en est-il alors sur « l antisémitisme » du président Chavez ?

Premièrement, nous devons signaler que les références à Mr Jésus Christ ont fait une réapparition dans les discours du Président Chavez. Longuement utilisées au début de son mandat, elles avaient plus ou moins disparu avant de réapparaître de façon insistante il y a quelques mois. Les admirateurs français du processus bolivarien avaient pu être étonnés, lors de la réunion à la mairie parisienne du XIe arrondissement, d’entendre celui qu’ils tiennent comme un souffle d’air antilibéral, déclarer que le « Christ fut le premier socialiste et Judas le premier capitaliste ». Ce discours difficilement compréhensible dans notre société athée reçoit de ce coté de l’Atlantique un impact important. De plus, le Christ de Chavez est plus proche des théologiens de la libération que de l’interprétation de Benoît XVI. Il s’agit d un christianisme aux cotés des plus pauvres, d un christianisme humain ouvrant la voie a un bonheur terrestre et temporel.

L’histoire de l’Amérique Latine inclut cette division théologique. Les jésuites salvadoriens, les prêtres révolutionnaires guatémaltèques ou péruviens ont souvent marqué de leur vie leur engagement religieux auprès des plus pauvres. Le haut clergé, quand à lui, a régulièrement accompagné les dictatures d’extrême droite qu’a connu le continent. Parler d un Christ révolutionnaire ou socialiste, c’est faire participer le religieux à la guerre idéologique. C’est ,par le biais de la théologie, comprendre le Christ comme volonté de combattre la domination des puissants. C’est dans cette perspective là que Chavez utilise ses références religieuses. C’est dans le contexte du retour à ces références dans ses discours que se tient l’allocution du 24 décembre 2005.

Qu’a donc dit Hugo Chavez cette veille de Noël ? Il est vrai que le journaliste de Libération peut tranquillement dire que le discours est en ligne sur le site du Ministère (http://www.minci.gov.ve/imagnot/24-DIC-05 N.D.E. MANANTIAL DE LOS SUEÑOS. CAUCAGUA. AG.doc). Combien de lecteurs qui se fient encore à Libération iront éplucher un document de 26 pages en espagnol pour trouver le passage incriminé ? Pour ceux que l’expérience tenterait, précisons que l’extrait en question se trouve en bas de la page 15. Pour que chacun se rende compte de « l’idéologie antisémite » du président vénézuelien nous le traduisons ci-dessus.

« Je viens de terminer ce matin le dernier rapport de l’ONU sur la situation du monde et c’est alarmant.

C’ est pour ça que je dis qu’ aujourd’hui plus que jamais en 2005 ans, il nous manque Jésus Christ, parce que le monde est en train de se consumer jour après jour ainsi que les richesses du monde, parce que Dieu et la nature sont sagesse, le monde a de l eau en quantité suffisante pour que chacun ait de l’eau, le monde a suffisamment de richesses et de terres pour produire de la nourriture pour la population mondiale, le monde a suffisamment de pierres pour construire pour que personne ne soit laissé sans habitat. Le monde possède pour tous, donc, mais dans les faits DES minorités, les descendants de ceux qui crucifièrent le Christ, les descendants de ceux qui jetèrent Bolivar hors d’ici et le crucifièrent aussi a leur manière à Santa Marta en Colombie. Une minorité s’ est appropriée les richesses du monde, une minorité s’est appropriée l’or de la planète, de l’argent, des richesses minérales, des eaux, des bonnes terres, du pétrole, de toutes les richesses donc, et a concentré les richesses entre quelques mains : moins de 10% de la population du monde est propriétaire de la moitié de la richesse du monde entier et plus de la moitié des habitants de la planète sont pauvres et chaque jour il y a de plus en plus de pauvres dans le monde. Ici, nous avons décidé de changer l‘ Histoire. » Vous avez sans doute remarqué que nous n’avons pas utilisé le signe : (...). Fort utilisé par des journalistes comme Armangaud, ce signe permet de la même manière qu’a la télévision de faire un montage du discours original quitte à modifier le sens, voire a lui faire dire son contraire.

Chavez commente ici un rapport de l’Organisation des Nations Unis sur l’état du monde. Cet extrait a pour but de condamner l’appropriation personnelle des richesses naturelles du monde. Il précise que depuis l’époque de Mr Jésus Christ, « DES MINORITES » s approprient ces richesses aux détriments du plus grand nombre. Nous devons noter tout de suite que Mr Armengaud dans son empressement a calomnier le président du Venezuela a fait une faute de traduction. « Unas minorias » se traduit par « des minorités ». C’est à dire les différents types d’empire, de puissances, de classes bourgeoises qui au fil des siècles se sont accaparés ce que d’autres considèrent comme des biens publics mondiaux. Ainsi de l’Empire romain qui condamna a mort le Christ, de la nouvelle oligarchie hispano créole qui laissa mourir Bolivar sans même une chemise, ainsi que la bourgeoisie capitaliste propriétaire des sous-sols de notre planète.

Ce discours est clairement anti-impérialiste et anti-néolibéral. Le qualifier d’anti-sémite est une erreur de jugement due certainement a une mauvaise connaissance par Mr Armangaud de son objet d étude.

D’autre part, c’est le journaliste de Libération qui met en valeur le stéréotype antisémite qui est censé disqualifier Chavez. Jean Hebert Armengaud dans sa manière de couper et transformer le discours du président, active l’antisémitisme inconscient de la société française. Parler de minorité qui tua le Christ et possède les richesses mondiales renvoie malheureusement à la communauté juive. C’est même devenu par victoires successives de différents type d’antisémitisme un signifiant de cette communauté religieuse que l’auteur de l’article de Libération présente au lecteur par le biais d’un extrait réduit au maximum épuré de son sens initial et de sa situation de dénonciation.

Pourtant, prenant pour argent comptant, sa lecture approximative du discours de Chavez, le journaliste de Libération persiste et signe. Le gouvernement bolivarien est accusé de persécuter la communauté juive en envoyant des enquêteurs faire leur travail dans un centre hébraïque. A la lecture de cette accusation, on pense à la Nuit de Cristal et à ce que l’Europe a fait de plus honteux par rapport a la communauté juive de leurs pays. Cependant, cette intervention a eu lieu dans le cadre de l’assassinat d’un procureur enquêtant sur les participants au coup d Etat d avril 2002. Point de procès de « médecins juifs » prenant prétexte l’assassinat de Danilo Anderson ; aucune inculpation ne résultera de l’enquête au Centre hébraïque, soupçonné d’entretenir des liens avec le Mossad. L’enquête suit son cours, ne prenant pas en compte les origines ethniques, religieuses, nationales des assassins du procureur. Qu’importe, pour Armangaud, les mensonges conjugués font illusion de vérité. Ainsi plus on en dit, plus on jette le doute. Qu’importe si le Venezuela, partenaire économique de l’Iran, fut un des premiers pays a désavouer le président Mahmoud Ahmadinejad dans sa volonté de « rayer Israël de la carte », qu’importe que Ceresole ne soit resté que quelques mois dans l’entourage du président et n’ait imprégné le chavisme d’aucune tendance d’antisémitisme d Etat.

Cette campagne sur le prétendu antisémitisme de Chavez est tant un révélateur d’une nouvelle campagne de calomnies que d’un journalisme d’approximation. Source originale citée ignorée, transformation de rapports ou d’autres articles dans le but de coller à son a priori idéologique, méconnaissance du terrain et de l’objet traité.

Sur cette ignorance pratique, coule tranquillement le venin de la désinformation.

Romain MIGUS

Pour lire l’article de libération Pour lire l’article de Guysen Israel News

Pour lire (le second) article du Monde


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