Chronique du quotidien n°1

S’y retrouver à Cali ou localisation et noms des rues
mardi 18 octobre 2005.
 

Chronique 1

S’y retrouver à Cali ou localisation et noms des rues.

La Colombie, comme beaucoup de pays du nouveau monde, utilise la formule urbanistique suivante pour construire ses villes et nommer les rues qui les traversent. On prend un point, généralement l’intersection de 2 fleuves, ou quelque chose comme ça, ou bien la place centrale du village indien dévasté et détruit par les Espagnols au XVIe siècle, et l’on construit des lignes parallèles et perpendiculaires à partir de ce point. Souvent sur des axes nord-sud et est-ouest. On décide que dans un sens ce sont des rues (Calle en espagnol) et dans l’autre des avenues, ou des boulevards (ici des carreras). Et l’on donne des numéros, Calle 1, 2, 3 etc. pour les numéros des maisons, on indique la calle ou la carrera, la perpendiculaire, et le numéro de la maison dans le pâté de maison. Par exemple, Calle 24, #45-5 ; il s’agit de la maison numéro 5 de la rue 24, après que celle-ci croise la carrera 45. Ça paraît super simple pour se retrouver dans une ville avec ce genre de principe (même si ça manque cruellement de poésie). Il n’en est rien, c’est très compliqué. D’abord parce que toutes les rues ne sont pas aussi rectilignes, parallèles et perpendiculaires que ça, certaines font des virages à 180°, d’autres sont obliques par rapport au schéma. D’autant plus que les fleuves ou les bords de montagne qui servent comme point de départ ne sont pas toujours rectilignes, eux. Ensuite cette numérotation sous-entend 1) de toujours savoir dans quel sens on se trouve, et sans boussole, c’est pas évident, 2) que les rues traversent toute la ville, ce qui n’est pas le cas 3) que l’on n’ait pas besoin de détruire des rues, ou en construire des nouvelles au milieu des autres. On se retrouve alors avec des calle 23 ter (qui peuvent se trouver avant la 23 bis), croisant une carrera 45 bis qui ne fait pas plus de 2 pâtés de maison, et on peut la chercher des heures, avec la meilleure logique du monde.

Moi par exemple, j’habite dans une rue en U (ou en fer à cheval pour les superstitieux), elle commence comme carrera 23, se transforme en calle 18 et termine en carrera 26. Il peut aussi y avoir des rues « discontinues ». Mêmes les chauffeurs de taxi sont parfois perdus. Heureusement que chaque quartier à un nom, ça aide un peu. Mais impossible de trouver un plan de la ville planté quelque part, disant "vous êtes ici".

Pour se déplacer, comme les distances sont parfois longues et ces grandes rues toutes droites (il y en a quand même pas mal) c’est un peu monotone, on prend le bus. Encore faut-il savoir lequel. Vu qu’ici il n’y a pas d’organisation, ni de services publics de transports, c’est le bordel. Chaque compagnie de bus arbore un nom correspondant à ses couleurs, Blanc et noir, Rouge et crème, Jaune et vert, etc. et un numéro, plus des noms accrochés sur le pare-brise, indiquant les quartiers qu’il traversera et que le chauffeur enlève et met au fur et à mesure du trajet (je ne vous explique pas l’angoisse quand il enlève celui que vous aviez péniblement déchiffré lorsque le bus arrivait à toute vitesse, alors que vous n’avez pas du tout reconnu là où il fallait descendre). Il ne faut pas se gourer entre le Crème et rose 4 et le Rouge et crème 4 qui vont peut-être pas au même endroit, et peut être que si. De toute façon, là encore, pas de plan, et les bus ne prennent généralement pas le même trajet pour l’aller et le retour, si on peut appeler ça comme ça. J’ajoute qu’il n’y a aucun arrêt prédéterminé, il s’arrête quand on lui demande. Seul moyen pour savoir quel bus prendre quand on veut aller dans un quartier qu’on ne connaît pas... prendre le taxi. Et sur place, demander aux commerçants ou aux habitants quel bus vous ramène chez vous. En générale, chacun à sa propre méthode, et on peut ainsi créer des débats intéressants : "Il faut prendre l’Ermita 6. -Non, celui là passe par le sud et ça va vous prendre 2 heures, il faut prendre le Rouge et vert 7B. -Mais il ne passe presque jamais, mieux vaut le Gris San Fernando 3, et changer pour le Blanco y negro 1A à UniValle. -Mais ça coûte deux fois le prix, non, non, non, le Azul plateada 5 c’est le mieux. etc...

À Cali, il y a quelques grandes artères. L’une d’entre elles, la calle quinta (la cinquième) est en plein chambardement pour des travaux devant servir à faire un nouveau moyen de transport en commun, le transmillenium, copie de celui de Bogotá. En attendant la fin, c’est un beau bordel, car la ville est coupée en 2, vu qu’il est quasiment impossible de croiser cette rue. Il faut faire des détours inimaginables pour faire ce qui avant se faisait en 5 minutes. Les bus changent d’itinéraires (déjà avant que c’était compliqué de comprendre où ils allaient et comment...) et les taxis râlent (comme tous les taxis du monde). Toujours est il que, quand vous voulez vous lancer fièrement à l’assaut de ces rues tout seul, après vous être fait longuement expliquer quel bus il faut prendre, à quelle adresse il faut se rendre, quel geste faire pour arrêter le bus, etc. que vous avez fait 5 fois le tour du quartier sans trouver, avant d’oser demander votre route à des gens qui vous l’ont obligeamment donné avec plein de numéros qui se mélange dans votre tête, car quand on vous dit " vous prenez la cinquième, puis la troisième vers le nord, et c’est le deuxième pâté de maison à gauche", vous ne savez si ce sont des rues, des avenues et où est le nord. Vous arrivez finalement, vous sonnez au deuxième étage comme on vous la dit, et il n’y a personne. Car ce que vous ne saviez pas, c’est qu’ici le premier étage c’est le rez-de-chaussée, et le deuxième étage où vous avez sonné, c’est en fait le troisième, et qu’il n’y a personne depuis des mois. Mais bon, moi j’ai fait des études de lettres, hein, pas de chiffres.


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