Les 3ème rencontres des medias communautaires à La Grita

Dans l’etat de Tachira, du 30 mars au 2 avril
jeudi 6 avril 2006.
 
J’ai eu la chance de participer à ces 3ème rencontres (Les 2 premieres ont eu lieu en décembre 2005 et en février 2006) et j’essaie, à travers ce compte-rendu, de faire une présentation de ces acteurs de la comunication, extremement important dans le proceseus bolivarien.

Participants : Catia Tve, Teletambores, Lara TV, Rubio TV, TV Jaureguina, Canal Z, Vive (Caracas et Maracaibo), TV Cimarrón, MinCI (Ministère de la communication et de l’information), Montaña TV, Galopando TV, Collectif INDIA, radio Amistad 95.1, Selva TV, Quijote TV, Fundacion para el desarollo de las comunidades, Radio Sierrra, Radio Duramis, Guatopo TV, Zalea TV et des membres des communautés de Tadea, d’Osario, et de la commune de Jauregui,

Introduction :

Le principe général des télés communautaires est régi par une loi de novembre 2001. Il s’agit d’une équipe de transmission, centrale dans la structure de type association, en lien direct avec la communauté (c’est-à-dire le ou les quartiers, le ou les villages organisés). La majorité des programmes (70%) doit être produit par la communauté, en général au travers d’ECPAI (équipe communautaire de production audiovisuelle indépendante), formées par la télévision, avec le matériel prêté par la télévision, jusqu’à ce qu’on trouve le moyen de financer un équipement (sujet important de ces rencontres). Les télévisions doivent être habilitées par le CONATEL (commission nationale de télécommunication), et peuvent recevoir par le Conatel ou le Minci un équipement de production et de transmission après avoir reçu l’autorisation de diffusion par voie hertzienne. Cependant il faut parfois plusieurs années de luttes bureaucratiques et quelques appuis pour recevoir tout cela.

Aujourd’hui, parmi les participants de la réunion, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore commencé à diffuser, voire qui n’ont même pas encore de quoi faire du montage. Ce qui ne les empêche pas d’arborer des T-shirts, des badges, au logo de la structure. Concernant le financement, les ECPAI peuvent faire « sponsoriser » les émissions qu’ils produisent par des producteurs locaux, une partie de cet argent étant reversé à la télé ; et la télé sert parfois de prestataire de service pour les autorités locales pour filmer et retransmettre des événements.

À noter, pour commencer la télé, recevoir l’habilitation, etc. il doit être fait la preuve, grâce a des assemblées générales de la communauté ou des pétitions, la nécessité pour la communauté de ce media.

Il n’est pas facile de comprendre, pour nous européens, ce sentiment de communauté. Ici c’est vraiment très fort, et c’est à l’échelle locale le peuple au sens large. Le Venezuela d’en bas pour utiliser un terme qu’on peut comprendre en France. Et toute l’existence des medias communautaires tient sur l’engagement vis-à-vis de cette communauté pour l’informer et informer sur ce qui s’y passe. Bien souvent il s’agit de donner de la valeur à la vie courante, d’un point de vue culturel, laboral, social, donner de l’importance à ce que vivent les vrais gens et rompre avec l’idéal de société proposé par les télés commerciales. Il s’agit aussi de dénoncer les problèmes qui existent, que ce soit de travail, de voiries, d’eau, d’électricité, politique, de favoritisme, de corruption, etc. mais en essayant toujours d’accompagner ces dénonciations de propositions faites par la communauté pour régler ces problèmes.

De fait, de nombreuses « télés » ont à peine commencé à produire, encore moins à diffuser. Mais elles ont déjà un travail communautaire de formation sociale, de conscientisation politique, d’information des moyens que peuvent utiliser les habitants des quartiers ou des zones rurales pour solutionner leurs problèmes, et de dénonciation des retards à l’avancée du processus bolivarien, que ce soit dû à la corruption, à l’oligarchie qui parle, mais ne fait rien ou simplement la bureaucratie extrêmement lourde du Venezuela. En général les membres de la télé sont travailleurs sociaux, facilitateurs ou « comunicadores » avant de conformer le media. Une partie du travail est bien d’expliquer aux communautés la nécessité de s’organiser, de s’unir, de s’informer des possibilités, des missions gouvernementales et des moyens à dispositions des Vénézuéliens pour améliorer leur situation. Et surtout donner aux gens une conscience du processus pas seulement lié aux bénéfices qu’ils en tirent. Un travail bien au-delà d’un simple media.

Thèmes :

Le travail avec la communauté (surtout traité en pratique).
Projet de financement de matériel par le MinCI pour _ les ECPAI directement.
Projets de formations, ateliers d’audiovisuel et d’Internet.
Création d’une banque de programmes ou une systématisation des échanges.
Le rôle de contrôleur social des medias communautaires face aux institutions.
La stratégie à adopter pour la période électorale (n’a finalement pas pu être traité).
Autres thèmes divers : lien avec Vive et TeleSur, prochaine réunion, l’entraide, etc...

Déroulement

L’organisation des discussions n’est pas très efficace, le retard est très important dès le premier jour, et ne se rattrape pas. Ce n’est que le second jour (sur 4) dans l’après-midi, qu’ il a été enfin abordé les thèmes de manières concrètes. Mais beaucoup de thèmes de discussions prévus dans le programme n’ont pas été traités et reportés aux prochaines rencontres (en juin). La logistique, elle, est plutôt efficace, dans le sens où, sans aucune aide ni de la mairie, ni de la gouvernation ou de l’Etat, il a été reçue, transportée, nourrie et logée une trentaine de personnes, chaque jour dans une communauté différente, qui nous a reçu avec beaucoup de générosité. Ceci marquant la preuve de l’engagement de ces communautés pour les medias communautaires.

Voici quelques phrases sur l’idéologie des medias communautaires et de ces rencontres :

. « Le media appartient à la communauté, c’est un outil de plus dans la lutte pour la démocratisation du pouvoir. Il faut que la communauté se renforce de la télé. » . « Nous avons expliqué à la communauté le pourquoi d’être siège de la rencontre. Et c’était la première fois qu’on les prenait en compte lors de l’organisation d’un événement ici. » . « Il faut affronter à l’intérieur du processus les principes capitalistes. » . « En ce temps d’élections [présidentielles en décembre 2006, NDT], comment faire gagner Chavez, sans oublier la critique de ceux qui profitent du processus pour eux-mêmes. » . « Nous devons assumer le protagonisme que nous avons comme peuple et en terminer avec l’assistentialilme. »

Pendant la majorité des réunions, il y eu un ou plusieurs membres de la communauté (paysanne), écoutant, rarement participant malgré ce qui avait été proposé dès le début. Une matinée, il y eu présentations du travail des unités scolaires des villages voisins, notamment sur leurs projets de journaux. Cependant on ne peut pas dire qu’à l’intérieur de la réunion il y eut un réel échange constructif, ou même des discussions à ce sujet, sachant que tous les medias présents ont bien évidemment une grande expérience de ce domaine. 2 après midi, une partie des participants ont suivi des groupes d’habitants qui leur ont montré les difficultés qu’ils rencontrent. Par exemple problèmes de voirie qui empêchent le bon transport des produits agricoles, le monopole des intermédiaires sur les prix des mêmes produits, qui vont jusqu’à refuser d’acheter jusqu’à ce ça coûte moins cher de le donner que de le jeter et le don a ces mêmes intermédiaires de camions de transports qui rend les agriculteurs encore plus dépendant malgré leurs demandes. Il existe aussi de problèmes vis-à-vis des écoles trop éloignées et sans moyens corrects pour nourrir les enfants, problème d’eau potable, etc... Le soir, les images ont été diffusées devant les membres de la communauté. Lors des discussions qui ont suivi, il s’est beaucoup agi de donner des clés et de motiver les membres de la communauté à s’organiser pour trouver et exiger les solutions.Et à la fin de la rencontre, un document, décrivant les différentes difficultés de la commune, assorti de propositions concrètes a été rédigé et signé par les représentants de medias communautaires pour appeler l’attention des pouvoirs publics, et aider les habitants à recevoir rapidement des réponses concrètes. On a conseillé que ces réponses soient faites par écrit et de filmer les rencontres avec les autorités.

La présence, lors des derniers jours de rencontres de membres de Conatel et du MinCI ont permis de poser des questions aux institutions, et certains engagements de celles-ci sur les difficultés et inquiétudes qu’ont les medias communautaires sur les retards des habilitations et des aides aux matériels.

Conclusion :

Dans les débats, il m’est apparu, surtout au début, les différences entre des medias qui ont tout juste une caméra VHS et aucun moyen, et ceux, comme Catia Tve, qui diffusent 16 heures par jour, ont une trentaine d’employés, une cinquantaine d’ECPAI, etc. Cette différence gêne parfois les débats car les nécessités ne sont pas les mêmes. De plus la question de survie ne reçoit pas toujours les mêmes réponses. Certains mettent en avant l’appui financier et technique pour s’équiper, d’autre l’appui de la communauté comme priorité. Mais après un démarrage un peu difficile, il semble que plusieurs accords ont été trouvés, ne serait-ce que pour réaliser d’autres réunions afin d’avancer des point précis.Des propositions a différentes institutions pour permettre la copie de programmes de tous les produits pour une banque de programmes, etc. Le travail de Catia Tve, sans aucun doute la télé la plus avancée, est très important de par ses moyens, ses contacts et son habitude de lutter contre ou avec les institutions, permet à tous les medias d’avancer grâce au partage d’expériences et aux propositions faites au niveau national.

Mais le plus intéressant de ces rencontres est sans aucun doute le travail pratique avec les communautés, qui sort largement du simple moyen de communication. Passer des heures à faire rédiger les difficultés, à chercher des solutions, à montrer aux différentes communautés que leurs problèmes sont identiques et qu’il leur faut s’unir pour les solutionner, est un travail de changement social qui s’inscrit pleinement dans le processus bolivarien que vit le Venezuela aujourd’hui.


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