la révolution commence en Equateur

Lundi 18 avril 2005
mardi 19 avril 2005.
 
La ville s’était préparée à une forte mobilisation ce mercredi 13 avril. Les organisations Internationales présentes dans la capitale avaient fermé leurs portes et recommandé à ses employés de prendre les mesures de sécurité de l’ONU. La mobilisation commençait officiellement le mercredi à 00h mais à 19h (mardi) il y avait déjà du mouvement dans le centre historique de la ville de Quito.

Je me trouvais dans le centre de la ville ce soir là, à un coctel mondain après la cérémonie de remise de la clef de la ville au représentant de la UNESCO pour le patrimoine Culturel, M. Bandarin. La cérémonie devait avoir lieu à la Mairie, Plaza Independencia, mais pour des raisons de sécurité, elle a été déplacée dans le Museo de la Ciudad, un ancien hôpital de type colonial magnifique devenu musée. Entre deux verres de vins, des brochettes de fruits de mer délicieuses et des petits gâteaux aux fruits servis sur un plateau et quelques blablas diplomatiques, on nous signale vers 20h que des manifestants veulent entrer ou sont dans les parages. J’avale 2 petits gâteaux au chocolat et je me dirige vers la sortie, comme tous les autres. Je m’étais presque habituée à l’ambiance Ferrero Rocher !

En effet, la ville respirait le gaz lacrymogène lancé par la police. Des pneus brûlaient au milieu des routes. La police était omniprésente. On s’éloigne du Centre. Les protestations ont durée presque toute la nuit.

Le lendemain, mercredi, je vais donc prendre l’ambiance dans la rue. Le centre ville, à partir de 10 de Agosto et Arenas, était fermé aux voitures et protégé par la police et la Force Armée pour empêcher les manifestants d’approcher le Palais présidentiel. Toute l’Avenida Amazonas dans le quartier Moderne était également fermé. Cependant, peu de gens sortirent dans la rue manifester ce mercredi matin à l’appel de l’Assemblée de Quito dirigée par la Izquierda Democratica (ID). C’était presque désespérant. Les actions de la veille laissaient penser à une plus forte mobilisation. Les pneus brûlaient au milieu de la rue presque déserte Avenida Amazonas. Seuls présents, la police qui essayait d’éteindre les feux. Il y avait plusieurs manifestations, plusieurs groupes dispersés, plusieurs rassemblements : au Congrès, à la Cour Suprême de Justice, devant la maison du Président.

La genèse de cette grogne ? La nomination inconstitutionnelle de la nouvelle Cour de Justice par le Président de la République, le Colonel Lucio Gutierrez, en décembre. Lucio Gutierrez a nommé des proches politiques au sein de la Cour. Mais ce qui a fait monter la moutarde au nez du peuple, c’est que cette Cour a annulé les poursuites judiciaires contre 2 ex-présidents voleurs, exilés pour échapper à la justice : Abdalá Bucaram (1997) et Gustavo Noboa et un vice-président, Alberto Dahik. Au lendemain de l’annonce de l’annulation des poursuites judiciaires, les trois voleurs annonçaient leur retour imminent en Equateur. Seul le populiste Bucaram est encore dans le pays, faisant déjà campagne pour les prochaines élections se présentant comme un nouveau Chavez, la chemise dégoulinant de sueur, lors de son show dans les rues de Guayaquil retransmit en direct sur toutes les chaînes de télévision. Les autres voleurs ont préféré fuir à nouveau devant l’agitation populaire, retournant à leur bizness dans leur paradis fiscaux.

Le premier groupe de manifestants que j’ai rencontré s’est arrêté Place des Présidents, sur l’Amazonas. En tête, le Maire de Quito, Paco Moncayo, et le Préfet du Pichincha. Ils ont lu les deux premiers articles de la Constitution et les manifestants ont fait la queue pour en lire chacun un. Je vous avoue que je n’ai pas attendu la fin. Et je me suis dirigé avec mon camarade vers la Parque Ejido y av. Patria. Là, une autre manifestation, une manifestation d’étudiants. Ils chantaient, dansaient. Un journaliste de Radio Manabi m’a interviewé. Je devais paraître comme une extraterrestre au milieu de ces étudiants socialistes. Le journaliste était plutôt étonné de voir une étrangère alors que tous étaient allés se réfugier dans leur maison : « Que pensez-vous de la situation que vit actuellement l’Equateur ? Comment la voyez-vous ? »

Vers 11 h du matin, plusieurs groupes de manifestants se sont rejoints entre av. Patria et 12 de Octubre. Ils ont marché ensemble vers le Congrès, qui se trouve entre av. 10 de Agosto et Arenas. Mais une rue avant d’arriver au Congrès, ça a commencé à barder : lancé de pierre par les manifestants, lancement de bombe lacrimo par la police. La plupart des manifestants ont été dissuader de continuer jusqu’au Congrès. Il restait seulement des étudiants perpétuellement attaqués par la police à coup de gaz. J’ai eu mes coups de panique entre les jets de pierre et les incessants gaz lancés sur la foule pacifique. La police lançait du gaz contre la foule, qui se dispersait du côté opposé. Là où nous courions, la police lançait d’autres bombes jusqu’à ce qu’on soit tous dispersé. La police française peut être fière de ses élèves équatoriens ! Mais les étudiants revenaient toujours à leur poste, face au Congrès, face à la police armée. La manifestation a duré jusqu’à tard dans la nuit. Partout, on pouvait entendre « Lucio Fuera », « Que se vayan todos » Le centre ville était fermé sauf pour ceux venus en car, des Indiens, payés avec des sacs de riz ou 5 USD pour faire le déplacement, pour appuyer le gouvernement. Hier [dimanche], le Président a annoncé à la Presse internationale que les « manifestations se concentrent seulement à Quito, dans le reste du pays la population a une perception distincte, les gens sont contents, on demande même [ma] réélection ». Et il ajoute : « Personne ne me virera ».

Vendredi, l’Etat de Siège avait été décrété par le Président mais ne dura que 24H suite aux pressions de la Force Armée. Samedi, alors que mes aventures m’amenaient à Riobamba, une ville située à 4h de bus de la capitale, entre Quito et Guayaquil, les gens n’oubliaient pas Lucio pendant la Feria. A la corrida, au moment de tuer le taureau, à cet instant où le taureau après avoir reçu le coup mortel se bat encore pour rester debout, la foule criait « Cae Lucio Cae » (tombe Lucio tombe). Au stade de foot, les cris était les mêmes. Aujourd’hui, lundi, Guayaquil appuie les protestations de la Sierra : des milliers de manifestants étaient dans la rue. Ainsi qu’à Ambato, Machala, Quevedo, ......

Ce même dimanche, Lucio Gutierrez promit aux chauffeurs de bus des permis exceptionnels, mais « seulement pour cette fois » pour conduire des bus de plus de 32 ans. Le gouvernement, dans tous les pays latino américains, achètent la tranquillité des chauffeurs de bus et de taxi, car ne pas avoir leur appui serait signer la paralysie totale du pays et la fin du gouvernement. Les chauffeurs vont manifester en faveur du gouvernement. Bien que le gouvernement traverse une période instable, il n’y aura pas de coup d’Etat : les forces armées appuient cet ancien militaire.

Depuis mercredi, lorsque le soleil disparaît derrière les montagnes, les gens sortent dans la rue dans un vrai concert de casseroles, (cazerolazos) de klaxons et de « Lucio Fuera » se dirigeant vers les bureaux de Radio Luna qui, à travers la voix de Paco Velasco, appelle la population à sortir avec les casseroles. « Pourquoi la nuit ? », j’ai demandé à une manifestante qui se dirigeait à Radio Luna : « Parce que on ne travaille pas, les enfants sont à la maison et il n’y a pas la police pour lancer des bombas. »

Aujourd’hui le Président Gutierrez a annulé l’élection de la Cour Suprême. Le sort des fuyards de la justice est encore en suspens.

A suivre.....................


Carte Equateur
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