Alberdi revival

dimanche 6 février 2005.
 

Bonjour tout le monde

Nous venons de vivre un retournement complet de situation, quelque chose d’absolument incroyable que je dois absolument vous raconter. Lors de mon dernier mail sur l’Alberdi, nous étions assomés par ce qui venait de se passer dans l’école, notamment l’intervention brutale de l’Alacalde Mayor de Caracas accusant les membres du comité autogestionnaire des pires ambitions, le tout fondé sur des rumeurs émanant d’un petit groupe de la communauté ayant des conflits personnels avec les membres de ce comité. En quelques minutes, ce dernier était dissout, un nouveau comité arbitrairement nommé, les enseignants volontaires sommés de se faire remplacer par d’autres enseignants désignés par la municipalité et les occupants de l’école invités à quitter les lieux -ce qui fut fait en moins de 24h, avec armes et bagages -et notamment l’école de ciné. Ont suivi dix jours intenses en stratégies et tractations des deux côtés. En ce qui nous concerne, nous sommes « sortis du débat » -en théorie- en quittant l’école tout en continuant d’informer à l’extérieur sur ce qui se passait -l’Alcalde sachant pertinement que nous possédions des images plutot compromettantes de sa manière de faire -la politique du boxer- ...ce qui, en ces temps de forum social, risquait de porter gravement atteinte à son image internationale -il faut savoir que le maire de Caracas est un expert en « communication sociale », spécialité qu’il a enseigné pendant des années à l’université, et qu’il vise de très hautes fonctions... Mais surtout, le nouveau comité a tout de suite révélé un mode de fonctionnement radicalement opposé au précédent : des horaires d’ouverture très restreints, fermeture du terrain de sport et de la bibliothèque le week end, fermeture également de la salle informatique « pour inventaire »...ainsi que son incompétence -rien que sur le nettoyage de l’école. En revanche, il apparut rapidement évident aux parents d’élèves que le nouveau comité cherchait surtout à placer ses pions aux postes clés -sources potentielles de rémunération- au sein de l’école. Bref. En quelques jours, l’état d’esprit a considérablement évolué au sein de la communauté. Restait le maire. Lundi soir, soit dix jours après la réunion fatidique, a lieu un programme en direct sur la chaîne communautaire Catia Tv qui émet sur tout Caracas : sont présents les membres du nouveau comité ainsi que les représentants du SEAM [Secrétariat à l’éducation de l’Alcalde Mayor]. En théorie, il s’agit d’un droit de réponse, trois semaines après un appel lancé par l’ancien comité sur ce même canal afin de mobiliser la communauté de Catia -secteur dont fait partie Manicomio- aux assemblées générales de l’école. En réalité, il s’agit de détruire un peu plus l’image de ces personnes qui se sont battues pendant deux ans sans aucune rémunération pour que cette école puisse fonctionner. Fin du programme. Page d’annonce. Et retour inopiné sur le plateau : l’Alcalde Mayor est en ligne, il désire rectifier certaines choses dites dans le programme. Et là, coup de théâtre : le voilà qui dénonce l’incompétence du SEAM, incapable de connaître ses dossiers, de faire la part du vrai et des médisances dans ses informations, la manipulation du travail de vrais lutteurs sociaux. Et le voilà qui présente ses excuses aux membres de l’ancien comité, reconnaît publiquement avoir été lui aussi induit en erreur, et fait l’apologie du travail du comité de défense. Sur le plateau, les visages sont blêmes... Le lendemain, aucun membre du « nouveau comité » ne se présentera aux portes de l’école. Nous étions quand même sur nos gardes mais le surlendemain, jour prévu pour une nouvelle assemblée dans l’école en présence du maire, celui-ci, contre toute attente -et avec trois heures quand même de retard- débarque avec toute sa petite troupe d’assistants, cette fois très aimables avec le comité. C’est un autre homme qui de nouveau s’adresse à la communauté de Manicomio : il est calme, modeste, prône la réconciliation et ne laisse au nouveau comité qu’une alternative : soit accepter d’intégrer l’ancien avec tous ses membres, soit se retirer. Et pour finir présente publiquement ses excuses à Oscar qu’il va même jusqu’à serrer dans ses bras. Le lendemain, tous les enseignants de l’école et les autres volontaires s’occupant de sa gestion signaient un contrat de travail de six mois avec la mairie et touchaient leur premier chèque. Incroyable. Qu’un maire d’une capitale présente en direct, à la télévision, des excuses publiques à de simples citoyens et reconnaisse ses erreurs... ! voilà le genre de choses que l’on vit ici. Ça paraît complètement dingue, mais c’est ça le Vénézuéla... et la ligne politique de Hugo Chavez. Parce que sans ses discours fleuves où il ne cesse d’inciter le peuple à s’organiser, à participer à la vie de la cité, tout en mettant ses ministres et élus face à leur responsabilité, il y aurait fort peu de chances pour que des expériences sociales comme celle de l’école Alberdi puisse survivre pendant des années. Mais je vous parlerai une autre fois de ces discours fleuves qui paraissent, vus de France et de Navarre, si symboliques d’un « pouvoir populiste ». Ce qui se passe ici est infiniment plus compliqué que ça... Pour ce qui est de notre petite vie, cette victoire ne signifie pas que nous allons retourner vivre dans l’école, ni même que l’école de ciné va la réintégrer. On voit un peu ce temps-là comme une époque révolue. Pour le moment, on vit toujours chez Thierry, mais il faut que l’on trouve un logement très vite -cette rengaine devient une vraie blague mais là, réellement, c’est encore plus urgent qu’avant parce qu’on n’est plus dans cet immense espace qu’était l’Alberdi. Quant à l’école de ciné, elle se trouve aujourd’hui éclatée sur deux sites : Vive à Caracas, et Vénépal -cette fameuse usine aujourd’hui gérée par les ouvriers dont je dois vous parler depuis je ne sais quand. Tristan lui va rester sur Caracas pour continuer à Vive de faire des formations, assurer la suite du journal des enfants et surtout pour coordonner un nouvel axe de la chaîne qui va chercher à travailler de plus en plus avec les communautés de Caracas. D’ailleurs il faut aussi que je vous parle plus de cette nouvelle chaîne publique qui justement cherche à donner au peuple des espaces d’expression en cherchant à rompre le plus possible avec tous les schémas des chaînes de télévision classiques. D’autant que je vais tenter de donner un coup de main « sociologique » pour préparer le terrain dans les quartiers de Caracas... Tout peut arriver ici. A très bientôt

johanna


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